Le Printemps 1881-1885
1-Programme et Parti architectural
Le 18 juillet, quatre mois après l'incendie du 1er magasin, le premier puit en béton est coulé. L'architecte Paul Sédille avait reçu le programme suivant: "Reconstituer les magasins sur un plan d'ensemble comprenant désormais tout l'ilôt (un trapèze irrégulier d'environ 2 950 m² de surface) enveloppé par le bld Haussmann, la rue du Havre, la rue de Provence et la rue Caumartin, puis procéder par lots de constructions, en commençant par les parties en façade sur la rue du Havre (afin de continuer temporairement la vente dans les parties inférieures des immeubles que l'incendie n'avait pas complètement détruits), cette dernière étant choisie comme la façade principale de l'édifice.
Située sur un vaste carrefour, cette façade se présentait bien à découvert, avec un recul avantageux, exposée au sud-ouest. Par ses dimensions limitées, elle se prêtait mieux que la longue façade sur le boulevard Haussmann, bordée d'arbres, à une composition architecturale bien formulée. Il fallait en éclairer et aérer l'intérieur.
Dès lors s'imposait la création d'une grande nef centrale sous double comble vitré, s'allongeant dans le sens du terrain, depuis la rue du Havre jusqu'à la rue Caumartin. Un grand hall établi à l'entrée sur la rue du Havre devait servir de vestibule à cette grande nef. " La rotonde fut imposée par la ville lors du percement du boulevard Haussmann pour centrer l'axe de la rue Tronchet. "
Le sous-sol fut réservé à la réception et à l'expédition des marchandises ainsi qu'à l'installation du nombreux matériel mécanique affecté au service de l'éclairage électrique, du chauffage, des eaux, etc. Le rez-de-chaussée et les trois étages au-dessus furent consacrés à la vente. Le quatrième fut destiné aux caisses et aux bureaux de la province et de l'étranger. Les deux derniers étages, sous comble circulaire, devaient recevoir, le premier les réserves de marchandises, le second les cuisines et réfectoires. On notera que l'immeuble est désormais entièrement consacré à la vente : le personnel doit se loger ailleurs.
L'amélioration des transports en est la cause directe : elle permet aux clientes de venir de plus loin, donc d'augmenter le volume du magasin; elle permet également au personnel de se déplacer pour venir travailler.
La partie du bâtiment donnant sur la rue du Havre était ouverte à la vente en octobre 1882, tandis que se poursuivaient les travaux le long de la rue de Provence, et le 5 mars 1883, on inaugurait les magasins. Mais la partie donnant sur le boulevard Haussmann ne sera terminée qu'en 1885. Quant à l'angle de ce dernier et de la rue Caumartin, il ne sera entrepris que beaucoup plus tard du fait de propriétaires entêtés.
Références :
Les Grands Magasins de Bernard Marrey aux éditions Picard, 1979
Le Fer à Paris de Bernard Marrey aux éditions Picard, 1989
Architectures à Paris : 1848-1914 de Paul Chemetov, Dunod, Paris 1984
Atlas de Paris de D. Chadych et D. Leborgne aux éditions Parigramme, 1989
Le site officiel www.printemps.com
Photographies Alexis Teissier
Informations Pratiques :
Ouverture :
Du lundi au samedi de 9h35 à 19h
Nocturne le jeudi jusqu'à 22h
Pour plus d'informations consultez le site officiel ou téléphonez au : 01.42.82.50.00
3-Commentaires
Cela peut paraître
étrange mais, comme il est stipulé plus haut, le Printemps a
la particularité d'être le premier bâtiment enveloppé
d'une façade rideau.
C'est là une véritable révolution en architecture qui
aura le retentissement que l'on connaît.
Ce mensonge maladroit est rehaussé par la qualité des éléments d'angle : ces petites coupoles, imposées au départ par Haussmann, sculptent harmonieusement la façade. Cela nous fait encore d'avantage regretter la disparition des mêmes coupoles à la Samaritaine.
2-Aspects Techniques
Afin de laisser à la vente le maximum de surface dans ce quartier où le prix du terrain a considérablement augmenté depuis la création du magasin, l'architecte choisit le fer comme matériau de base.
Du fait de la proximité de la nappe phréatique, il décide avec M. Baudet, constructeur, d'édifier l'ensemble sur des pieux en ciment fondés à l'air comprimé. Ce procédé n'était pas nouveau; il avait été utilisé en 1856 au pont de Kehl, et très souvent ensuite pour la fondation des piles de pont. Mais c'est au Printemps qu'il fut appliqué pour la première fois à un ouvrage d'architecture. Sur ces massifs en béton d'environ 2,40m de côté, s'élèvent des piliers métalliques rectangulaires de 0,50 x 0,55 m, y compris le long des parois intérieures des façades, " car dans cette construction, les murs extérieurs ne portent rien, et ils n'ont de l'importance que par la décoration riche et élégante dont ils sont revêtus. "
Cette façade de pierre dont la décoration nous parait aujourd'hui un peu lourde, est donc le premier mur-rideau. " Derrière cette façade massive et chargée, image du confort cossu et du luxe que le magasin veut donner de lui-même, s'élançait la grande nef. " Ce vaste vaisseau de 50 mètres de longueur sur 12 mètres de largeur et d'une hauteur de 20 mètres sous comble vitré, est destiné à éclairer et à aérer le vaste cube intérieur de l'édifice. Il a encore pour but de réunir et d'ouvrir sur un centre commun toutes les galeries de vente des différents étages et de faire profiter l'ensemble de l'animation qui règne dans chaque partie.
C'est ainsi que des galeries qui bordent la nef, le regard peut embrasser tout l'édifice intérieur et jouir de l'activité générale. " Mais il fallait aussi qu'à côté des galeries si pleines et animées, cette nef ne parut pas vide et froide; c'est pourquoi un large pont transversal, à hauteur de l'entresol, meuble le milieu de la nef en offrant aux comptoirs de vente une surface précieuse, tandis qu'au premier étage, deux passerelles légères occupent l'espace et diminuent le parcours entre les galeries opposées. C'est pourquoi encore, aux deux extrémités de cette nef, les larges escaliers qui montent à l'entresol développent lentement leurs révolutions adoucies par des paliers intermédiaires plusieurs fois renouvelés. " Dans cette vaste nef, le décor reprend ses droits. Le fer s'enrichit de pièces de fonte qui remplissent les tympans des arcs, qui couronnent le sommet des piliers élancés et forment retombées aux arcs ajourés du comble. Pour étoffer les balustrades des galeries et des escaliers, le bois s'associe avec le fer de la construction et le chêne du mobilier.