La Gare de l'Est 1847-1852
François-Alexandre Duquesney
1-Programme et Parti
architectural
L'emplacement de la gare fut vivement débattu au Parlement lors de la discussion sur la création de la ligne Paris-Strasbourg en 1844. Le site choisi fut finalement celui du clos Saint-Laurent, tout proche de la gare du Nord, entre la rue du Faubourg-Saint-Denis et la rue de Metz, que les extensions de la gare jusqu'à la rue du Faubourg-Saint-Martin ont fait disparaitre.
La gare fut commencée en 1847, sous la direction de l'ingénieur Pierre Cabanel de Sermet, sur les plans de l'architecte François Duquesney, qui devait mourir en 1849 avant d'avoir vu son oeuvre achevée. Elle fut inaugurée en 1849, mais vraiment terminée en 1852 seulement.
Extrêmement soignée dans sa conception générale comme dans ses détails, la Gare de l'Est a créé d'emblée l'expression architecturale idéale d'une gare tête de ligne.
Les services du départ étaient situés dans l'aile gauche, ceux de l'arrivée dans l'aile droite.
Le corps central contenait un porche et un vestibule.
Chaque aile était associée à ses deux extrêmités à un gros pavillon carré coiffé de balustres.
En retrait du porche, et bien calé par les deux pavillons d'angle, était le pignon de la halle, dont Duquesney a rappelé par une large demi-rose la forme curviligne.
C'était la première fois dans l'architecture ferroviaire que la fonction était aussi rationnellement exprimée. L'ensemble, d'une simplicité, d'une lisibilité et d'un equilibre parfait, témoignait d'un sens de l'accueil et d'une dynamique idéalement adaptés à la notion de voyage.
La statuaire était réduite, mais judicieusement placée : au sommet du pignon, une statue de la Ville de Strasbourg en majesté, par Lemaire (le sculpteur du fronton de la Madeleine) et, en avant, au dessus du portique d'entrée, une horloge surmontée de deux allégories de la Seine et du Rhin, par Jean-Louis Brian. Ce beau monument clôt une des plus belles perspectives de Paris : Haussmann a fait percer pour lui le boulevard de Strasbourg, prolongé jusqu'à la Seine par celui de Sébastopol.
Références
:
La naissance des gares
de Marie-Laure Crosnier Leconte aux éditions Hachette, 1990
Les grandes gares parisiennes du XIX ème siècle sous la direction de Karen Bowie aux éditions Délegation à l'action artistique de la ville de Paris,
Architectures à Paris : 1848-1914 de Paul Chemetov, Dunod, Paris 1984
Le Fer à Paris de Bernard Marrey aux éditions Picard, 1989
Photographies Alexis Teissier
Informations Pratiques :
Ouverture :
24h/24, 7j/7
Pour plus d'informations
sur l'Histoire du chemin de fer en général :
le site officiel de la
SNCF
ou téléphonez au : 01 53 90 20 20
3-Commentaires
La Gare de l'Est beneficie d'une des plus belles perspectives offertes par Haussmann. Cette mise en scène renforce la fonction de la gare : être un terminus, une butée pour les lignes venant de l'Est.
Ainsi, le bâtiment principal s'érige en travers des voies (bld de strasbourg et voies ferrées) tel un volume à ciel ouvert qui reçoit les flux de passagers arrivant de part et d'autres.
A l'instar d'un Sas, ce volume innondé de lumière par la superbe verrière, digère les passagers pour les renvoyer vers leur destin.
2-Aspects Techniques
La gare de l'Est a été souvent célébrée comme la plus belle gare du monde. Elle a inventé un type de gare terminus qui a été imité un peu partout et même bien au delà de nos frontières. Citons pour exemples l'ancienne gare Termini de Rome (Salvatore Bianchi, 1874), celle de Naples (Nicolo Breglia, vers 1880), la gare de l'Ouest à Budapest (Auguste de Serres et Gyözo Berhardt, avec l'entreprise Eiffel, 1874-1877), ou encore celle de Montevideo en Uruguay.
Ses bâtiments s'enroulaient en U autour d'une halle unique contenant cinq voies, large de 30 m et longue de 150. Celle-ci était couverte d'une élégante ferme cintrée à la mode anglaise, consolidée par le jeu savant de triangulation créée par soit fin réseau de tirants et de contre-fiches. Ce mode de couvrement, peu courant en France, fut aussi adopté au Palais de l'Industrie de l'Exposition Universelle de 1855.
Moins grandiloquente que la Gare du Nord qui lui est postérieure d'une quinzaine d'années, le caractère imposant qu'elle a actuellement n'est dû qu'à son dédoublement réalisé en 1924-1931.
En effet, avec son hall étroit et ceinturé de bâtiment latéraux, la gare de l'Est n'aurait pas dû résister autant à l'augmentation du trafic.
Mais la qualité de son architecture l'a sauvée des transformations successives qui l'ont affecté en 1854, 1885, 1900, et surtout en 1931. Les nouvelles voies furent ajoutées en retrait du hall. Et quand, en 1931, il fallut prolonger la façade jusqu'à la rue Saint-Martin, celle-ci fut simplement dédoublée ; on choisit de placer au sommet de son double, réalisé en style art déco, la statue hautement symbolique, de la Ville de Verdun, par le sculpteur Varenne. Le départ de la halle, conservé est devenu une salle des pas perdus. Cet étrange collage, qui ne manque pas de saveur, a au moins permis de préserver un des exemples les significatifs de l'architecture ferroviaire.