La Gare Saint-Lazare 1881-1885
Alfred Armand, Juste Lisch
1-Programme et Parti architectural
Pour l'Exposition Universelle de 1889, la Compagnie de l'Ouest décida un agrandissement majeur de la gare rue Saint-Lazare. Dans un premier temps, la Compagnie avait envisagé de reprendre la disposition en arcades de la cour du Havre, sur la cour de Rome. Mais ce projet fut abandonné, le programme d'agrandissement paraissant insuffisant à la Commission supérieure des chemins de fer, ainsi qu'à l'architecte, Juste Lisch. (La Compagnie de l'Ouest fit appel à ce dernier pour réaménager plusieurs gares dont les gares du Champ de Mars, des Invalides et la gare du Havre).
A la gare Saint-Lazare, Juste Lisch établit un deuxième projet d'agrandissement. La place devant la gare était laissée ouverte, permettant à la façade de s'imposer pleinement dans l'espace urbain. Celle-ci fut masquée en cours d'exécution par l'Hôtel Terminus, qui lui avait été imposé. Le projet ressemble néanmoins en plusieurs points à sa réalisation : ouvertures en arcade donnant accès à la galerie du rez-de-chaussée; bâtiment d'administration de la rue de Rome, proche du bâtiment terminé.
Le projet réalisé obéit à un programme complexe; même si l'architecte et son entourage avaient le souci d'exprimer "rationnellement" la disposition intérieure dans l'aspect extérieur de l'édifice, la symétrie de la façade ne se retrouve pas à l'intérieur. Comme le visiteur actuel peut encore le constater, les dispositions internes des deux bâtiments extrèmes sont au contraire complètement différentes. Sur le côté "grandes lignes", cour du Havre, les voyageurs entrant au rez-de-chaussée passaient dans une "salle des bagages" pour enregistrer leurs colis avant de monter à l'étage, pour accéder aux salles d'attente. Côté banlieue, rue de Rome, ils butaient sur un escalier menant au niveau des voies: supposés être sans bagages, ils accédaient directement aux trains. La "Salle des bagages" (grandes lignes) était située au-dessous du grand vestibule ajouté par Armand et laissé intact par Juste Lisch. Ce dernier pourvut l'ancien vestibule d'un dallage en verre, qui éclaire la "salle des bagages" située au-dessous.
Ce système, dérivé de l'ancienne gare, permet de maîtriser le dénivellement du site. L'aménagement de la nouvelle gare exprime donc la "modernité" des conceptions architecturales de Juste Lisch : sa capacité à maîtriser les exigences d'un ensernble hautement technique et sa facilité à profiter des dernières capacités des matériaux.
Son bâtiment témoigne également de son respect du passé. Non seulement intègre-t-il à la nouvelle gare le grand vestibule d'Armand, mais aussi des "Salles d'attente, Grandes Lignes", (côte rue d'Amsterdam), remontant à 1841.
Références
:
La naissance des gares
de Marie-Laure Crosnier Leconte aux éditions Hachette, 1990
Architectures à Paris : 1848-1914 de Paul Chemetov, Dunod, Paris 1984
Les grandes gares parisiennes du XIX ème siècle sous la direction de Karen Bowie aux éditions Délegation à l'action artistique de la ville de Paris,
Le Fer à Paris de Bernard Marrey aux éditions Picard, 1989
Photographies Alexis Teissier
Informations Pratiques :
Ouverture :
24h/24, 7j/7
Pour plus d'informations
sur l'Histoire du chemin de fer en général :
le site officiel de la
SNCF
ou téléphonez au : 01 53 42 00 00
3-Commentaires
La structure proposée
par l'architecte Alfred Armand et l'ingénieur Eugène Flachat,
marqua les esprits à l'époque.
Si bien qu'on leur
demanda de " préparer un projet de Halles
centrales, en appliquant les mêmes principes, mais en les appropriant
à cette nouvelle destination. Armand et Flachat, n'ayant pu s'entendre, présentèrent
deux projets distincts.
Baltard gagnera
finalement étrangement le concours puisqu'il proposait une solution
lourde en béton, qui fut ensuite avortée mais cela prouve l'impact
majeur qu'a eu la structure d'Armand et Flachat à l'époque.
A l'instar de la Gare de Lyon,
cette gare a l'originalité de proposer un grande halle transversalle
à laquelle viennent se connecter les halles longitudinales.
2-Aspects Techniques
Les anciennes halles métalliques de la gare, y compris celles d'Eugène Flachat, furent vite jugées trop courtes pour les trains. Aussi, le programme d'agrandissement prévoyait-il l'adjonction de nouvelles voies, à l'Ouest des lignes existantes et nécessitait-il la construction d'une nouvelle halle pour les abriter.
Les voies en courbe rendaient difficiles la création d'une halle de longueur suffisante (100 mètres environ) et le prolongement des halles existantes. Le problème des différences de portée entre les supports d'un toit rectiligne ou en courbe fut résolu de façon ingénieuse. Toujours visible dans la gare actuelle, il aména à créer une série de "demi-fermes" pour la charpente, dont la longueur permit de couvrir la portée la plus petite au cas où deux d'entre elles seraient utilisées ensemble. Pour les portées plus importantes, des éléments furent ajoutés entre les deux moitiés et couverts par une "lanterne". Selon les observateurs de l'époque, cette disposition devait "augmenter l'effet de perspective" pour les voyageurs au départ, et, pour les voyageurs à l'arrivée, "n'avoir pas d'influence".
Pour les lignes de ceinture et d'Auteuil la nouvelle halle fut entièrement construite selon ce système, qui s'appliqua dans les prolongements des halles existantes. Les éléments en fer de ces dernières traduisent une nouvelle étape dans l'effort de couvrir des portées de plus en plus grandes. Les charpentes des premières halles sont construites en tiges de fer ou "bielles simples", celles de la halle d'Eugène Flachat, plus tardive, composées de plaques de fer ("tôle pleine, ou "fer laminé"), tandis que les dernières halles (1885-1886), ont désormais des fermes en "treillis", les arbalétriers étant constitués de petits éléments de renfort métalliques entrecroisés, permettant des portées plus importantes encore. Ainsi les halles succesives de la gare Saint-Lazare offrent-elles une démonstration nette de l'évolution de la construction métallique à grande portée du siècle dernier.